CHAPITRE 27
Nous avons couru. Épuisés, brûlés, terrifiés, nous avons couru.
Vysserk Trois n’avait commis qu’une seule erreur : avec son animorphe, il était trop encombrant pour pouvoir nous poursuivre beaucoup plus haut dans l’escalier.
Lorsque nous avons enfin été en sécurité, j’entendis Vysserk Trois crier :
< Je vous tuerai tous, Andalites. Vous pouvez filer, ça n’est rien. Je vous tuerai tous ! >
Le fait que nous ayons pu fuir n’était pas rien. Nous n’avions peut-être pas détruit Vysserk Trois, mais nous étions sortis vivants de la bagarre, nous, les Animorphs. Le score final s’élevait très exactement à un humain libéré : la jeune fille qui s’était échappée de cet enfer sur le dos de Cassie.
Et Cassie s’en sortait bien. Le policier qui l’avait arrêtée était le seul Contrôleur à savoir son nom, l’endroit où elle habitait et le fait qu’elle avait espionné le Partage. Et Cassie nous assura que nous n’avions plus rien à craindre de lui. Elle refusa de nous en dire plus.
Quant à Tom… mon frère.
Tom n’a pas été libéré.
Ce soir-là, alors que, sous le coup de la terreur, je frissonnais dans mon lit, claquant des dents et tremblant de tous mes membres, je l’avais entendu rentrer à la maison.
Il n’a jamais su que c’était moi le tigre. Il n’a jamais su à quel point j’ai été près de le libérer. Il était à nouveau un Contrôleur. Le Yirk avait repris possession de son cerveau.
Cassie, Marco, Rachel et moi avions tous réussi à atteindre le sommet de l’escalier. Nous nous étions retrouvés dans le couloir d’une école qui ne nous paraîtrait plus jamais la même.
Et Tobias ? Il a survécu, lui aussi.
Le jour se levait presque lorsque je fus réveillé par des battements d’aile contre ma fenêtre.
J’allai l’ouvrir, et Tobias vola dans ma chambre.
— Tu t’en es sorti, dis-je. Eh bien, mon vieux, tu peux te vanter de m’avoir fait peur. Je croyais que tu étais toujours coincé là-dessous. Je me disais que, dans cette caverne, tu trouverais probablement un endroit où te cacher, mais je savais que tu étais resté morphosé longtemps, et je craignais que tu ne puisses pas démorphoser sans te faire repérer. Je suis drôlement content de te voir.
< Moi aussi, je suis content de te voir, Jake. Comment vont les autres ? >
— Ils sont vivants, répondis-je. Vivants. Je pense qu’il n’y a que ça qui compte.
< Oui, c’est la seule chose importante. >
— Allez, Tobias, démorphose. Tu peux rester ici. Je te laisserai même mon lit. Je suis tellement fatigué que je dormirais sur une planche à clous.
Il ne me répondit pas, et je suppose que, au fond de mon cœur, j’avais compris depuis longtemps. Seulement, je ne voulais pas me l’avouer.
— Allez, Tobias, répétai-je. Démorphose.
< Jake… >
— Il est temps de redevenir humain, mon vieux. Assez volé pour cette nuit.
< Je suis resté caché un moment dans la caverne, m’expliqua-t-il. Ils ne m’ont pas vu, mais j’étais obligé de rester caché jusqu’à ce que je puisse filer. Jake… ça a duré trop longtemps. Beaucoup trop longtemps. Plus de deux heures. >
Je le regardai en silence, ses yeux perçants comme des lasers, son bec crochu, ses serres tranchantes. Et ses ailes, les longues ailes puissantes qui lui permettaient de voler.
< J’ai l’impression que, dorénavant, c’est comme ça que je serai. >
Je sentis des larmes couler le long de mes joues, mais Tobias reprit :
< Ça ne fait rien, Jake. Comme tu disais, on est vivants. >
Je m’approchai de la fenêtre et contemplai les étoiles. Quelque part là-haut, autour de l’un de ces scintillants astres froids, se trouvait le monde des Andalites. Quelque part là-haut se trouvait… l’espoir.
< Ils viendront, dit Tobias. Les Andalites viendront. En attendant jusque-là… >
Je hochai la tête et essuyai mes larmes.
— Oui, dis-je. En attendant, on se battra.
L’aventure continue…